QUE SIGNIFIE LE MOT "VINTAGE"
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QUE SIGNIFIE LE MOT "VINTAGE"

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que signifie le mot " VINTAGE" ?

Paru dans L'Express du 21/02/2005

Origines, philosophie, valeurs en hausse... Tout ce qu'il faut savoir sur le vintage par Pierre Léonforté Longtemps réservé à quelques initiés, il connaît aujourd'hui un extraordinaire engouement, au détriment parfois de son authenticité. En 12 questions, petit précis à l'attention de ceux qui adorent faire du neuf avec du vieux...

Que signifie le mot «vintage»? D'origine anglaise, ce mot a d'abord servi à qualifier un millésime ancien de référence pour des spiritueux ou des vins, comme le porto. Par extension, il s'est appliqué à des vêtements et accessoires de mode anciens, des voitures de collection, des photographies et du mobilier design, de l'après-guerre jusqu'aux années 1980. Le Dictionnaire international de la mode (1), ouvrage de référence qui vient d'être réédité, affine cette définition: «Le terme vintage a fini par désigner tout un jeu d'apparences utilisant des vêtements anciens, du mélange de fripes et de vêtements neufs portés au quotidien jusqu'aux pièces exceptionnelles.» Bref, le vintage bien compris ne doit jamais être porté des pieds à la tête comme un costume d'époque. Il impose un subtil mélange de styles, pour n'en créer finalement qu'un seul: le sien. Ceci est vrai en mode comme en décoration.

Actuellement, pas une photo de mode, pas une expo, pas un article sans que le mot soit employé. Pourquoi une telle frénésie? Attention, le vintage n'est pas né d'aujourd'hui. Dans les années 1970 déjà, on allait chiner aux puces des robes des années 1940 et 1950, mais tout ceci est longtemps resté réservé à un cercle d'initiés. Synonyme de seconde vie, le vintage nécessite en effet de posséder une vraie culture de mode pour repérer les pièces intéressantes et savoir les associer. Selon Katy Rodriguez, du magasin Resurrection, à Los Angeles, ce sont les top models comme Naomi Campbell et Kate Moss qui ont plus largement ouvert la voie, dans les années 1990, en portant des vêtements vintage lors d'événements officiels. Mais c'est en 2001 que le phénomène a véritablement explosé, avec l'apparition de Julia Roberts à la cérémonie des Oscars, portant une robe Valentino millésimée 1992. L'événement a jeté un premier pavé dans la mare du luxe et donné le coup d'envoi d'une véritable folie. Rapidement, toutes les stars s'y sont mises: Demi Moore, Winona Ryder, Nicole Kidman, Sarah Jessica Parker ou Jennifer Lopez, arborant voilà peu une robe Valentino 1967 précédemment vue sur Jackie Kennedy.

Le vintage ne concerne-t-il que des marques de luxe? Pas seulement, comme en témoigne l'aventure des jeans Levi's. Au début des années 1970, la marque décide de modifier sa fameuse étiquette (tab) cousue sur la poche arrière droite, ramenant le graphisme du «e» de Levi's de majuscule à minuscule. Un détail pour le grand public, une révolution pour les aficionados, qui baptisent «Big E» les 501 antérieurs à 1971. Ce sera la première datation officielle d'un vêtement n'étant pas issu de la couture. Le vintage concerne donc non seulement le luxe, mais aussi «des griffes pérennes qui font référence, des vêtements ou des accessoires au moins vieux de vingt ans et portables aujourd'hui», comme le précise Jean-Marc Loubier, PDG de Celine. Une pérennité qui en fait désormais les nouveaux basiques, offrant la garantie d'être à la mode partout, sans jamais se tromper. Et, actuellement, le phénomène s'exporte partout dans le monde, de Londres à Paris, de New York à Los Angeles ou à Tokyo.

Porter des vêtements des années 1950 ou 1960, n'est-ce pas aussi une manière de refuser la mode du moment? C'est en tout cas une façon de ne pas en suivre tous les diktats. Certains aficionados ont d'ailleurs porté le vintage sur le terrain militant, comme l'Italien Antonio Annichiarico, avec sa marque Rifiuto speciale (Rejet industriel). Un véritable «programme vestimentaire», dont tous les vêtements cousus main à partir de tissus récupérés sont frappés de ce slogan. Lancé comme une protestation émanant du Sud à l'encontre du Nord, Rifiuto speciale exprime l'envie d'éthique et, comme le souligne Cristina Morozzi, grande figure milanaise de la mode et du design, une «nouvelle dignité stylistique». Comprendre le refus des panoplies imposées, des logos, des total look, des marques sandwichs. Bref, une réaction à l'uniformité et à la globalité. Ce qui hisse le vintage au rang d'un postulat et d'un engagement personnel à la manière des tee-shirts manifestes post-soixante-huitards. Le support a changé, mais le procédé reste le même.

Où acheter aujourd'hui cette «contre-mode»? Sous le marteau des commissaires-priseurs, les noms du vintage sont évidemment ceux de la couture et du prêt-à-porter de luxe: Hermès, Chanel, Yves Saint Laurent, Givenchy, Balenciaga, Christian Dior... Toutes les maisons de vente s'y sont mises, avec en coulisse et quasi monopole, le cabinet d'expertises D. Chombert et F. Sternbach. C'est grâce à l'action de Françoise Sternbach, venue du prêt-à-porter, et de Dominique Chombert, fille du grand fourreur, que le vintage a été introduit à Drouot voilà quelques années. Ce sont elles qui ont imposé les ventes à thème: bagages et accessoires signés, fourrures et cuirs griffés, bijoux de fantaisie couture, et jusqu'à la récente vente de la collection Mademoiselle Catherine Deneuve... Toutes ces pièces, des sacs aux bracelets, faisant sans exception l'objet d'une datation. Mais, entre estimations, mises à prix et adjudications, mieux vaut avoir le portefeuille bien accroché. Estimée 600 €, une robe haute couture Madame Grès millésime 1970 a été récemment adjugée 1 500 €. Des chemisiers Saint Laurent Rive gauche, estimés entre 50 et 80 €, se sont envolés à 400. Mais il y a aussi les puces et des boutiques spécialisées? On peut toujours s'approvisionner sur les stands spécialisés des marchés aux puces de Saint-Ouen, à Paris, ou ceux de Portobello, à Londres. Les prix y ont monté en flèche, mais restent toujours inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans les nombreuses boutiques que l'on voit fleurir un peu partout, jonglant entre la fripe et le dépôt-vente. N'oublions pas non plus les grands magasins: Bon Marché, Samaritaine ou Galeries Lafayette, qui consacrent désormais de larges espaces au phénomène, réunissant vêtements, accessoires et objets de déco. Mais, en la matière, les meilleures adresses restent les boutiques ultrapointues dont le travail de recherche et de sélection visionnaire (il en faut pour le vintage) garantit un haut niveau de qualité. Les plus fameuses? Didier Ludot, à Paris, ou les boutiques Decades et Lily & Cie, à Los Angeles, la dernière étant un peu une chapelle exclusive où n'entre pas qui veut... Le vintage est-il aussi un nouveau dandysme au masculin? Influencés par la vintage attitude de leurs compagnes, attentifs aux discours prônant le refus des marques et effrayés par la hausse décourageante des prix, les hommes sont en effet allés fouiller, à leur tour, dans leurs armoires. Peut-être avec plus de discernement que par le passé. Hier encore circonscrit aux blousons teddy, aux smokings lustrés, aux chemisettes à carreaux Arrow et aux vestiaires militaires désarmés, donc à la fripe, le vintage masculin se focalise désormais sur les cravates de marque (années 1940 à 1980, vendues entre 10 et 20 €), les costumes anglais à rayures tennis, les vestes en cashmere coloré Etro, mais aussi quelques pièces de Cardin et de Ted Lapidus (autour de 350 €), des chemises «spaghetti» Paul Smith, ou quelques pièces en maille Marithé & François Girbaud. De quelle époque datent les pièces majeures? Né plus tard, le vintage au masculin englobe également des pièces plus récentes, de dix ans d'âge seulement: boutons de manchettes, maillots de bain, baskets, petite maroquinerie Gucci et premières lunettes Alain Mikli. Chose amusante, il arrive aussi que ce vintage au masculin devienne une source d'inspiration. Chineur invétéré, le créateur de mode Marc Le Bihan a ainsi déniché aux puces de Saint-Ouen un costume ayant appartenu à Man Ray, l'étiquette du tailleur étant formelle à ce sujet. Copié, reproduit, ce costume culte est devenu une pièce maîtresse de ses collections... Côté design, l'engouement est-il le même? Après la mode, le vintage s'est emparé de l'univers de la décoration selon les mêmes principes. Il fut «réveillé» voilà déjà vingt ans par les marchands éclairés des puces de Clignancourt et les galeristes visionnaires de Paris, Milan, Londres et Copenhague, titillant l'intérêt des collectionneurs pour Jean Prouvé, Charlotte Perriand ou Hans Wegner. Dans les années 1990, Peter et Deborah Keresztury ont institutionnalisé le «vintage western», organisant les vintage fashion shows de San Francisco, où s'exposaient mobilier, arts de la table, céramique, tapis, tissus d'ameublement et verrerie décorative des années 1940 à 1960, produits en série pour le marché américain ou importés de Scandinavie et d'Italie. Principalement focalisé sur le design allant de l'après-guerre au début des années 1980, ce vintage a labélisé dans un même élan meubles, luminaires, électroménager, vaisselle, accessoires de bureau et de cuisine... Et l'impact a été tel que la plupart des fabricants ont réédité leurs références de design historique. Seules des différences appuyées de traitement (peinture, couleur, détails techniques) permettent aujourd'hui de les différencier des originaux.

Les reproductions font-elles aussi partie de cet univers? Absolument. Certaines pièces, comme la chaise Barcelona, de Mies van der Rohe, créée en 1929, et le fauteuil Wassily, dessiné par Marcel Breuer en 1925, ont été respectivement reproduits en 1948 et en 1958 par Knoll. La fameuse chaise longue LC4, dessinée en 1928 par Le Corbusier-Jeanneret-Perriand, est produite à nouveau par Cassina depuis 1965. C'est alors la règle de la première série qui prévaut. Ce qui implique une connaissance approfondie du design, un œil aiguisé et... un compte en banque bien fourni. Si vous n'êtes pas si puriste, vous pouvez vous contenter de ce que les amateurs appellent le «vintage neuf», soit tous les sièges, meubles ou luminaires produits sans discontinuité depuis leur création. Ainsi les siège Tulip, d'Eero Saarinen, chez Knoll, ou la plupart des fauteuils de Pierre Paulin chez Artifort. La folie touche-t-elle d'autres domaines? Tous les secteurs du design sont concernés. Les premiers téléphones portables Motorola StarTac (autour de 50 €) sont désormais très prisés, tout comme les premiers Walkman Sony, les téléviseurs italiens Brionvega ou les écrans Téléavia dessinés par Roger Tallon (autour de 500 €) et les chaines hi-fi BeoSound de Bang & Olufsen, cette marque organisant elle-même son propre circuit auprès des galeries spécialisées dans le vintage 1970. Et, tout comme le vêtement vintage doit être porté pour mériter son rang, le design doit s'intégrer au logis pour échapper à la muséification. Dans son édition de janvier 2005, le magazine Antiquités Brocante consacrait pas moins de 16 pages au mobilier 1950, prônant son adaptation à la déco d'aujourd'hui. Le vintage a donc de beaux jours devant lui? Le vintage représente un jalon de mémoire. Ces objets s'inscrivent dans l'époque comme les maillons d'une longue chaîne affective, au même titre que les meubles hérités de nos grands-parents. En fait, quand il ne fait pas l'objet d'une spéculation imbécile, le vintage est un parfait exemple de réinsertion. On n'a donc pas fini de chiner...

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